#SilentSunday Nuages et attachements
Les nuages et les attachements sont au-dessus des hommes.
Je sortais d’une session à la FilmoTeca et faisais, comme à mon habitude, quelques pas sur le parvis… #SilentSunday Nuages et attachements
C’est ma manière de m’extraire d’une projection avant de m’éloigner du bâtiment. Les beaux jours sont revenus, tout vrombit aux alentours. Entre les vagabonds, les prostituées (on dit travailleur·s·es du sexe maintenant en mode woke) et leurs maquereaux (pas les poissons à la poétique peau bleutée, les autres), les flics, les échoués de la vie, les cinéphiles qui se hâtent pour arriver à temps ou ceux qui discutent du film qu’ils viennent de voir, il y a souvent (et cela me fait sursauter un peu le cœur) une ribambelle de gamins du sous-continent indien qui jouent au cricket au beau milieu de la ruche qu’est la plaça de Salvador Seguí.
Alors que j’écris ces lignes, je sursaute à nouveau en pensant à cette série de photos prises en Inde. Il y en a de Chennai : dans ma rue, entre les tas d’ordures, les véhicules et les chariots de fruits et légumes poussés par les marchands ambulants. Les enfants se rêvant Sachin Super King, enfin sortis de leur rue, tandis que les rats et les vaches leur jettent des regards résignés. Il y en a de Mumbai aussi : mon cours touchait à sa fin (ma vie en Inde aussi, mais je l’ignorais) il pleuvait, mais à travers le grillage d’un terrain humide, je voyais ce monde les yeux braqués sur la balle passer de batte en batte. Il sera temps d’observer en détail ces scènes de vie dans A life in India. Pour l’instant, l’arrière-goût de ces moments suffit.
Comme nous sommes étranges. Nous ne nous dépouillons pas de ce qui nous a séduits et marqués. Ces gamins qui jouaient en s’interpellant en hindi, remplis de joie, avaient-ils aperçu le nuage au-dessus d’eux ? Les rêveurs, les artistes, les penseurs, les poètes du silence qui n’ont pour seul désir le ciel, là-haut, et la route qui s’en va sentiront leur imagination faire un bond.
Certains y verront l’actuel Royaume-Uni, d’autres, la ruine de l’ancien empire qui introduit le cricket en Inde, voilà déjà plus de 300 ans. Outil d’assimilation, manière d’intégrer les normes culturelles britanniques pour les sujets du Raj, même la partition cruelle du sous-continent ne put défaire le lien tissé.
Car les nuages et les attachements sont au-dessus des hommes, et ne connaissent aucune frontière.
Clic, la photo #SilentSunday est toute trouvée…
#SilentSunday Nuages et attachements © 2024 Gilles Denizot
